Jean-Louis, 71 ans, réside depuis quelques années dans un EHPAD de Paris 14e. Il est accompagné par deux bénévoles d’une équipe parisienne, qui lui apportent, selon ses propres mots, de la joie et du réconfort. Surtout depuis ce printemps au cours duquel il a contracté la Covid-19 et connu la « traversée du désert », pas tant physiquement que moralement. Jean-Louis apprécie parler, sortir, se divertir de son quotidien. Bien qu’en rupture familiale, il trouve dans cette nouvelle phase de vie de la joie et de la reconnaissance d’être toujours là pour en témoigner.
Passionné de musique, dès son plus jeune âge, Jean-Louis pratique l’accordéon, puis le basson qui deviendra son instrument fétiche. À Tours, où il vit, il suit des études musicales classiques au conservatoire. « À 18 ans, je suis monté à Paris et j’ai réussi le concours d’entrée au conservatoire national supérieur de Paris », se souvient-il avec nostalgie. Une belle carrière l’attend alors mais son père exige qu’il incorpore l’armée. C’est alors qu’il fait un choix difficile : « à mon grand regret, j’abandonne le basson ».
Il garde un goût amer de son service militaire, « une expérience très pénible ». Un an plus tard, il décide de prendre la route, avec son sac à dos et son basson, et mène une « vie de baroudeur ». Deux années durant, il voyage en auto-stop et son chemin se dessine au hasard des rencontres : la France, l’Espagne, le Maroc.
Un parcours riche et singulier
« À mon retour en France, je suis accueilli par ma sœur à Tours. À l’époque, il était facile de trouver un travail. Je rentre dans un cabinet d’assurance où je m’occupe de placer des assurances-vie », se remémore-t-il. Jean-Louis va connaître sa future femme, avec qui il va avoir un fils. Celle-ci est infrmière psychiatrique : plaçant l’humain avant tout, il ’enthousiasme pour son métier et décide de suivre le même cursus professionnel. Diplôme en poche, il trouve un poste dans un hôpitalspécialisé à Étampes, où il s’installe avec sa famille.
Mais il se rend à l’évidence, ce métier ne le satisfait pas complétement. Il s’inscrit alors en cours du soir, en droit : « et me voilà, à l’hôpital, muté au service pour suivre les majeurs protégés (tutelle et curatelle) ». Durant sept ans, Jean-Louis exerce son travail avec passion. Mais l’arrivée de l’ordinateur va tout bouleverser et le poste de Jean-Louis est supprimé.
Il tente l’aventure d’agent d’immobilier, mais l’expérience tourne court et au bout de deux ans, il réintègre l’hôpital d’Étampes. En 1992, son divorce le conduit à quitter Étampes pour Paris. Jean-Louis suit des conférences avec le projet de devenir psychothérapeute. Hélas, des problèmes de santé ne lui permettent pas de mener ce projet à bien et, après une période en longue maladie, il prend sa retraite.
La musique et la peinture, ses deux amours
La musique a été la première passion de Jean-Louis : « à 14 ans déjà, j’animais des bals musettes à l’accordéon ». Une marotte qui l’a amené à se former pendant cinq ans à la direction d’orchestre. Résultat : il a dirigé deux spectacles à Guérande. Aujourd’hui, il écoute de la musique classique avec une prédilection pour Beethoven : « je ressens sa musique, elle est près de l’homme et de la nature ». La peinture est son autre passion : « je suis un copieur et pas un créateur même si j’ai obtenu un premier prix lors d’un concours sur l’art brut organisé par la mairie de Paris ».
Quand la vie reprend ses droits
Au printemps 2020, Jean-Louis contracte la Covid-19. « Au-delà des soins — aujourd’hui je ne ressens aucune séquelle — j’en retiens une grande solitude. Moi qui adore écouter et échanger avec les gens, qui aime le contact humain, j’avais même perdu le goût de parler. Je me suis trouvé seul, sans activité. Cela a été une période délicate à passer ». La présence des bénévoles a été déterminante. « Je les remercie toutes les deux, et le personnel de l’EPHAD aussi ; ils m’ont redonné le goût de vivre. J’ai de nouveau des projets ! ». Et Jean-Louis le résilient, de conclure dans un éclat de rire : « la Covid, c’est de l’histoire ancienne et je ne suis pas rancunier ».
ru dans « Ensemble », le magazine des Petits Frères des Pauvres – octobre 2020